LASNAMIA

La rue du chahid Ahmed Belazzouz (Le Chelif du 6/4/2016)

 

Une rue une histoire.

 

La rue du chahid Ahmed Belazzouz

 

Après avoir enjambé le vieux pont de la gare et l’avoir franchi nous sommes aux portes de la cité dite «Zeboudj», du nom de la grande oliveraie qui existait jadis dans le coté Est de la ville, un verger mitoyen de la pinède de la grande pépinière. Les limites territoriales de cette oliveraie finissaient avec le passage à niveau de la gare ferro-viaire et du canal Chagnaud qui la traversait. L’immense oliveraie était la propriété de la famille Jover durant l’époque coloniale.

Dans les années 1960, la pépinière où a été construit le quartier Zeboudj ou Hay Meddahi, était plantées de plusieurs variétés d’arbres ; elle a été utilisée durant le séisme de 1954 comme campement de fortune par les sinistrés. Cet endroit était également un des sites que privilégiaient les troupes coloniales françaises ; c’est ici en effet qu’elles se cantonnaient lors de grandes manœuvres et exercices militaires. On se souvient à ce’ propos de ces soldats sénégalais se baignant dans le grand canal d’irrigation qui passait par là.

Les premières constructions de Zeboudj ont vu le jour après les grandes inondations qui ont touché la ville d’El Asnam dans les années 1960. Pour reloger les sinistrés, on a construit cette cité dans l’urgence. A l’époque, c’était un ensemble d’habitations provisoires.

Aujourd’hui, la petite cité tranquille, implantée au milieu de la nature, s’est agrandie. Le tremblement de terre de 1980 a bousculé sa quiétude. On se remémore encore des belles promenades du samedi et du dimanche dans le cœur de la pépinière, au beau milieu des arbres et du gazouillis des oiseaux. Cette forêt dégageait de senteurs de fleurs et de résine.

Dans notre jeunesse, nous étions nombreux à être tentés par des échappées dans ce cadre bucolique. Qui d’entre-nous n’a pas fait l’école buissonnière au milieu de cette nature verte et éblouissante par sa beauté ? Tous ceux qui sont passés par là vous raconteront ces petites histoires de chasses aux étourneaux (souwid) et autres merles, gros bec et les insaisissables grives au milieu des oliviers. On posait nos pièges (fakha) avec un asticot blanc comme appât. Les prises constituaient un vrai régal pour les petits enfants que nous étions car ça se terminait toujours par de bonnes grillades.

C’est par ce quartier que passait le chemin de fer. La locomotive qui traversait ce périmètre nous rappelle au bon souvenir de cheikh Abdelkader Bouras, le chanteur à la voix mélodieuse qui a été percuté par un train tout près de la gare. Cheikh Bouras était un chantre de l’amour fou du genre bédouin. Il est né à El-Asnam en 1909. Il a chanté jadis des textes sublimes comme «Ya megwani», «Biya Dhak El Mor», «Qalbi M’chawek Bezzaf Lebladna»...

Ce quartier abritait la cave vinicole, la coopérative oléicole et les ateliers de la Société nationale des industries du textile (Sonitex).

On se souvient des tracteurs remplis de raisin de cuve sillonnant à longueur de journées ce parcours près du passage à niveau pour décharger leurs cargaisons à la cave vitivinicole. On épiait leur passage et on profitait de l’inattention du chauffeur pour subtiliser quelques grappes de raisins.

On se rappelle aussi de la chemiserie et des travailleurs et travailleuses qui ont animé ce lieu autrefois. Mais le dernier tremblement de terre a bousculé cette sérénité. Dès les premières secousses, les citoyens ont occupé la pépinière en plantant des tentes de fortune des deux côtés de la route. Suivront ensuite les baraquements à usage commercial faits de tôles en zinc érigés par des particuliers qui resteront plantés sur les lieux pendant près de vingt ans, donnant à Chlef l’image d’une ville sinistrée pour toute la vie. Dès 1981, les sites dortoirs d’Ouled Mohamed et du Radar voient le jour ; au fil des ans, ils boufferont tout le terrain et l’oxygène de la superbe pépinière. 36 ans après la terrible catastrophe, les baraques font toujours partie du paysage et elles n’ont pas été éradiquées comme promis. Ce n’est qu’en 2016 que cette voie à une signalisation et un nom sur une plaque de rue. Elle a été baptisée du nom du chahid Ahmed Belazzouz, né le 19 décembre 1940 à Chlef et mort au champ d’honneur en

1959.

 

Hamid Dahmani

 



10/04/2016
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