LASNAMIA

CAUCHEMAR DE NAVETS.( Le Soir d’Algérie)


 


Vox populi : «Cauchemar de navets»

Assis confortablement devant la table de cuisine, devant moi un plat de rechta garni de succulents navets, je mangeais tranquillement face à la fenêtre de ma cuisine aérée, qui donne directement sur la cour de ma maison.
Dégustant mon plat de pâte préparée maison richement couvert de navets et arrosé de sauce et accompagné d'une douce mélodie musicale de chant chaâbi et c'est justement ce qu'il faut pour apaiser une grande faim à midi. Rassasié jusqu'au gosier, j'ai arrosé le tout avec une bonne rasade de limonade de chez nous, suivie d'une forte éructation et je me suis levé pour aller au salon pour prendre place dans mon fauteuil préféré pour un petit somme, comme à l'accoutumée, devant mon poste de TV allumé. Là, les yeux rivés sur l'écran, étendu sur le divan, devant mon poste de TV qui fêtait ce jour-là, pour la circonstance, la journée du navet. J'étais détendu et à demi-assoupi et j'essayais de suivre le journal télévisé malgré la lourde somnolence qui commençait à me gagner ; alors dans ces moments fragiles, je commençais à voir, au loin, se dessiner à travers cette petite fenêtre des choses inimaginables et incroyables : de cette lucarne, des tonnes de navets accouraient dans ma direction comme des chevaux en furie ! Des navets qui se déversaient sur moi, des navets de toutes sortes et de toutes espèces, des navets à la forme humaine, des petits navets trapus, aux couleurs différentes et aux formes diverses… Mon espace commençait à se réduire sous l'assaut de tous ces navets, je ne pouvais plus bouger sous cet afflux qui me cernait ; alors, j' ai pris mes jambes à mon cou et j'ai couru et je me suis mis à l'abri dans la chambre mitoyenne. Là, c'était plus calme et ça paraissait plus tranquille, la fenêtre était fermée et il n 'y avait pas de navets dans la chambre, c'était paisible, je me suis dit que c'était un cauchemar et qu'il n'y avait pas lieu de s'alarmer, alors j'ai ouvert la fenêtre pour chasser les doutes, mais peine perdue, les navets étaient là, en faction et semblaient me surveiller et recommençaient à pleuvoir de plus belle dans la chambre ; je n'étais pas encore épargné, les navets avaient pris possession de tout mon espace, je ne pouvais pas bouger, j'étais à la merci de cette abondance indigeste et indésirable, je hurlais à qui voulait bien m'entendre, mais personne ne répondait à mes cris étouffés par cette montagne de navets. Alors, dans un dernier sursaut, je réussis à m'extirper de ce lieu où le navet était roi et où il cherchait à prendre possession de mon âme ; enfin, dans un dernier effort, je sentais que j'étais libre, alors je me suis précipité en courant vers la chambre d'en face pour m'y réfugier et me mettre à l'abri. Effectivement, cette chambre était plus rassurante que les autres, bien éclairée avec tout son confort et ses grandes fenêtre fermées, j'étais à l'aise et détendu : pas un seul navet dans les environs, ouf ! C'était le calme absolu mais je n'étais pas complètement convaincu, ni rassuré de m'être débarrassé totalement de cette tourmente, aussi je me suis rapproché de cette fenêtre fermée côté jardin et je l'ai ouverte dans toute sa grandeur, je m'attendais à recevoir une volée de navets, ce n'était pas le cas ! Figurez-vous : il n'y avait point de ce légume horrible à vous faire vomir, ce vulgaire légume associé à la médiocrité, au contraire, cette fenêtre donnait directement sur un jardin splendide ouvert et éclairé, bien aménagé, bien tracé et impeccablement ordonné, avec un verger richement travaillé et très attirant par ses couleurs, avec un potager où les légumes de cette espèce n'avaient pas de place. Alors, je suis sorti par cette fenêtre et je suis allé me prélasser sur le gazon pour cueillir les senteurs de cet éden astral et, au moment où je me suis penché pour couper une rose, je fus brusquement secoué et réveillé par le bras et une voix me dit : «Lève-toi ! Tu as assez rêvé ! C'est l'heure de te lever, il ne faut pas oublier de faire le marché, on n'a plus de légumes et les derniers navets ont été servis avec la rechta !»
Hamid Dahmani



Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2009/06/27/article.php?sid=85044&cid=34

 



27/06/2009
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