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Un sobriquet amusant. ( Le Quotidien d'Oran du 25/07/19)

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Un sobriquet amusant
 

par Hamid Dahmani

 

Le sobriquet est un surnom descriptif qui est collé à une personne pour la designer dans un sens péjoratif ou diminutif. C'est un pseudo formé par addition au prénom d'origine. Dans la société on trouve de bizarres appellations qui désignent des personnages d'après leurs caractères physiques ou morales. Parmi les sobriquets il y a une multitude de surnoms surprenants, parfois amusants et des fois fâchant. Il y a des sobriquets qui font rire, d'autres qui sont très estimés, alors que certains soulèvent la grande colère de celui qui est désigné. 

On raconte qu'il était une fois dans un petit village, un jeune homme très pudique qui était en compagnie d'un groupe de gens, qui a laissé échapper un méchant petit rot sorti traîtreusement de son corps devant les présents. Un petit rot innocent qui lui a valu la moquerie du groupe et la risée des présents dans cet intervalle de temps qui a celé pour la postérité ce mauvais souvenir. Aussi, à partir de ce jour là, les railleries ont commencé à peser sur sa personne et au fur et à mesure que le temps passait les soucis du jeune homme grandissaient. La nouvelle du rot en présence des amis a fait le tour du village et tout le monde en riait. Quand quelqu'un demandait après lui auprès des copains, on utilisait le nouveau pseudo pour le designer. «Machetouche el garaa ?». (Vous n'avez pas vu celui qui a roté ?). Un sobriquet est toujours détesté et c'est lourd à supporter. Ca vous tombe comme ça, et ça vous colle dans votre vie jusqu'à l'éternité. Dans la vie il y a de petits futés détestables, qui sont là, dans les moments les plus inattendus pour vous baptiser du «nom» le plus drôle possible qui vous ira comme un gant. Généralement ces surnoms familiers et moqueurs sont choisis par l'entourage sur les défauts de corps, d'esprits ou de toutes autres particularités qui vous distinguent. Des sobriquets tels que, «laawedj, lagraa, zoufri, kabrane, leben, boukerch, j'm'enfous…», sont très courants. Tout le monde peut être touché par ce phénomène. Les personnalités politiques, les bourgeois et les plus simples mortels. Même le sexe féminin n'échappe pas à cette vindicte populaire. On peut entendre chez les femmes des surnoms tels que, «el guadra, el weza, Aicha twila…». 

Ne nous n'égarons pas et revenons à nos moutons ou plutôt a notre histoire gazeuse. Harassé et ne pouvant plus supporter ce surnom «el garaa», notre hilarant «producteur» de gaz décida de s'exiler «yahdjar l'bled» de ce village qu'il ne portait plus dans le cœur, et de partir le plus loin possible de ce lieu pour se faire oublier un moment par ces gens méchants et médiocres qui n'ont rien à faire d'autre que de s'occuper des désagréments de leurs concitoyens pour passer leur temps. Après avoir traversé la mer, notre malchanceux bonhomme s'installa en Europe, où il trouva rapidement du travail. Des années sont passées et malgré cet éloignement, il gardait le contact avec sa famille en envoyant régulièrement de l'argent à ses enfants pour qu'ils puissent vivre dignement et se faire une place dans la société. Avec l'argent qu'il envoyait à sa petite famille et malgré la longue absence du père du foyer, la famille a su tenir le coup pendant ces moments pénibles sans sa présence. Grâce à l'argent envoyé par le père ils ont prospéré et ont acheté des lopins de terre et du bétail. Les voisins les respectaient et les montraient du doigt pour leur réussite. Quoiqu'on aparté, les voisins désignaient leur demeure de «dar el garaa». Trente longues années sont passées loin du foyer et des enfants qui ont grandi et la femme qui a pris de l'âge avec cet exil forcé. L'homme a beaucoup changé dans sa physionomie mais a gardé sa retenue après tant d'années isolé des siens et de son village natal dans un pays qui n'est pas le sien. Avec le temps la nostalgie a fait son travail dans l'esprit de cet homme très sentimental. Alors, un beau jour, il décida de revenir auprès des siens. Il prit le bateau en direction du pays, et deux jours après il posait les pieds sur le sol de son village. A son arrivée il prit la petite route du village qui mène à sa maison avec deux grandes valises à la main. Il marchait d'un pas rassuré et joyeux d'être enfin de retour chez lui. Les gens se retournaient après son passage et se murmuraient des mots et le suivaient des yeux. Les gens qui étaient attablés dans le café qui l'avaient reconnu, même ceux qui étaient à l'intérieur de l'épicerie ont eu vent de sa venue et sont sortis sur le seuil de la porte pour le voir passer. Il avait beaucoup changé durant cette séparation forcée. Enfin devant la porte de sa demeure et heureux de revoir son village après tant d'années, il se demandait si les mentalités avaient changé dans le village, se disant que les gens ont sûrement oublié cette mésaventure du passé qui l'a obligé à changer de pays. Il frappa deux légers coups à la porte, et en attendant qu'on vienne lui ouvrir, il entendit le cri sourd de son voisin mitoyen à quelques pas de chez lui, qui s'adressait à haute voix à son fils de l'autre côté de la route, «Hé petit, fait attention à la vache de celui qui a roté qui a traversé la clôture, chasse-là de là, avant qu'elle ne broute le blé !». Trente ans après, malgré cette longue absence, le sobriquet était toujours sur le bout de la langue des villageois pour le designer ! 


25/07/2019
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