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55 ans après, quel bilan ? Comment et pourquoi en sommes-nous arrivés là ? ( Par Abbaci M'hamed) El Watan week end du 07/07/2017

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El Watan week end du 07/07/2017


M’hamed Abaci. Financier et auteur

55 ans après, quel bilan ? Comment et pourquoi en sommes-nous arrivés là ?


Au lendemain de l’indépendance, l’Algérie vivait une situation socioéconomique critique : la pauvreté et la misère, un taux de chômage de 70%, un taux d’analphabétisme de 90%, un déficit important en main-d’œuvre qualifiée et en encadrement.

Notre pays se devait de mettre fin au plus tôt à ce lourd héritage légué par le colonialisme, les Européens ayant laissé derrière eux un pays sous-développé et totalement à l’arrêt. Pour cela, il fallait mettre en œuvre une politique de développement national qui réponde aux impératifs majeurs de l’Algérie indépendante dans les sept domaines fondamentaux suivants : priorité à une industrialisation de transformation, indépendance économique, formation et emploi, valorisation des ressources, contribution au développement de l’agriculture, compétitivité internationale dans les technologies modernes et enfin l’économie de devises en mettant en avant des programmes économiques et de construction à la faveur de la nationalisation des hydrocarbures intervenue le 24 février 1971,afin de consolider l’indépendance politique en engageant des plans de développement.

Il y a eu les plans triennaux 1967-1969, quadriennaux 1970-1973 et 1974-1977 et quinquennaux 1980-1985, répondant aux différents impératifs industriel, social, agraire, culturel, scientifique, sportif, santé, enseignement et enfin la valorisation des hydrocarbures à travers le plan Valhyd pour développer une industrie pétrolière et gazière.

La bataille du développement national était donc en marche. Y ont été associés les premiers cadres algériens en majorité autodidactes, mais qui étaient bien au fait des réalités du pays, car ils ont su concevoir et développer une expérience profitable par laquelle ils ont été au-devant de la scène de l’Algérie future.

En effet, cette expérience a permis rapidement de faire fonctionner les institutions, les sites pétroliers, gaziers, miniers, les sociétés nationales pour rétablir l’économie et enfin les terres agricoles récupérées et prises en charge par nos paysans pour les exploiter. C’était une étape nouvelle de l’évolution économique et sociale de l’Algérie indépendante, tout aussi importante, qui fut la grande bataille qui s’annonçait pour cette génération qui portait la marque morale et patriote.

C’était la grande période de l’industrialisation du pays où, le temps passant, les entreprises se créaient et grandissaient, la croissance augmentait ainsi que l’offre. Des centres de formation ou médico-sociaux, des cantines se créaient au sein de chaque entreprise, les prix diminuaient et on parlait très peu de corruption, de fuite de cadres, de cerveaux ou de capitaux, de liquidation d’entreprises, de compression d’effectifs, de salaires impayés, de conflits sociaux... C’était un événement marquant et témoin de l’engagement d’une génération au service réellement de l’Algérie indépendante après le départ massif des cadres européens.

Les premiers cadres algériens ont été d’un apport indéniable au développement national,après avoir préservé et valorisé le patrimoine public au service de la collectivité nationale dans les premières années de l’indépendance du pays (1962 -1970),et ont su changer la donne et s’imposer comme acteurs-clés dans le processus de nationalisations et de développement national, après avoir préservé et valorisé le patrimoine public. Ils ont apporté la preuve de leur sacrifice dans la douleur de leur jeunesse, se passant d’une vie meilleure en travaillant sans répit et dans des conditions des plus pénibles, une charge de travail insupportable par manque d’effectif et de qualification sans pour autant demander davantage ou profiter de leurs postes.

La norme de travail dépassait le plus souvent douze heures/jour pour des salaires mensuels dérisoires qui se situaient en moyenne entre 500 et 3000 DA ; certains travailleurs étaient même payés en nature en bons de semoule, de sucre, de café, d’huile, etc. Cela ne leur a rien rapporté aujourd’hui. Quand le patriotisme avait encore du sens dans l’esprit et la lettre du Congrès de la Soummam. En outre, cette génération a donné le meilleur d’elle-même en contribuant à une autre réalité nationale, à savoir les importantes actions de solidarité et de volontariat dans le cadre des campagnes nationales.

Plus important encore, des familles algériennes ont fait don de leurs bijoux, leur argent liquide… au profit du Fonds national de solidarité (sandouq tadhamoun). Cela a donné plus d’adhésion et de participation sur le terrain. Evidemment, un peuple magnifique et une race de cadres et de travailleurs resteront le modèle d’une génération qui a marqué l’histoire de notre pays par son sacrifice pour le développement de l’Algérie indépendante. Mais presque tous ont terminé leur carrière dans une totale déception, lorsqu’on constate que nos gouvernants oublient vite les sacrifices des générations. Une nation qui oublie, qui marginalise ou ne donne pas d’importance aux valeurs humaines n’a sûrement pas d’avenir.

Les évolutions et les transformations accomplies durant cette époque sont résumées comme suit. Sur le plan économique : l’Algérie était socialiste certes, mais n’avait rien à voir avec le communisme des pays ou du bloc de l’Est. D’ailleurs au début des années 1970, l’Algérie a connu un développement industriel capitaliste. Il faut dire que par le passé, l’argent de la rente avait une valeur économique réelle et qui a joué un rôle stratégique dans le développement d’une industrie diversifiée dans toutes les branches d’activités où le taux d’investissement avait atteint jusqu’à 45% du PIB où le prix du baril de pétrole valait 8 dollars en moyenne.

En 14 ans, l’Algérie s’est développée avec une industrie plus importante avec près de 70 zones industrielles à travers le pays, elle a accru sa puissance régionale et son influence où l’Algérie est devenue l’une des puissances économiques les plus importantes de l’Afrique et du Tiers-Monde. Cette évolution rapide du progrès de la société algérienne et l’émergence d’une classe moyenne dominante et productive, dont notamment l’Algérie était économiquement, socialement et culturellement plus avancée au plan économique qu’aujourd’hui.

On peut rappeler ici, essentiellement entre autres, la réalisation de grands ensembles industriels et technologiques dans toutes les branches d’activités : énergie et pétrochimie, sidérurgie, industrie agroalimentaire et pêche, mines, hydraulique dont les barrages de Beni Haroun, Abadla parmi les importants en Afrique. En effet, L’Algérie dispose déjà grâce au boom industriel des années 1970, qui a donné naissance à une importante base industrielle diversifiée disposant d’un potentiel intéressant doit cependant connaître une évolution pour sortir du processus de montage vers une grande intégration à base de nos matières premières et produits locaux.

Oui, un nombre impressionnant d’entreprises économiques, commerciales et bancaires locales et nationales qui voient le jour jusqu’à se compter par milliers, avec notamment la multiplication de leurs usines, de leurs agences ou unités, leur réseau de distribution et de leurs bureaux d’études à travers tout le pays.

A titre d’exemple, Sonatrach avec 120 000 travailleurs et son organisation qui couvrait toutes les activités de la pétrochimie, devenue un Etat dans l’Etat et bien d’autres entreprises géantes de transformation et de production à l’instar de Sonacome, SNS, Sider, Sonelec, Sonelgaz, Sonatiba, DNC, SNLB, SN Métal, SNMC, SNIC, Sonic, Sonatram, Sonarem, Sonitex, industrie pharmaceutique (Saidal-Enapharm), ENMTP, CNAN, Cirta fabrication de tracteurs, moissonneuses-batteuses, BCL(fabrication de pièces industrielles), Batimétal, SNTA, Ofla, industrie cinématographique (Oncic), construction satellites, télécommunication, informatique, centrales nucléaires, presse écrite et audiovisuel (national et régional), institut pasteur… Tous ces secteurs disposant d’un potentiel intéressant doivent cependant connaître une évolution pour sortir de la dépendance des hydrocarbures et du processus de montage vers une grande intégration à base de matières premières et produits locaux.

Le tourisme à travers la construction de zones touristiques et stations thermales dont certains complexes hôteliers de classe mondiale qui rapportaient environ 7% des revenus en devises fortes et la fiscalité ordinaire qui contribuait à près de 70% dans la structure du budget de la nation.

Puisque la fiscalité ordinaire assurait les dépenses de fonctionnement, la fiscalité pétrolière est consacrée seulement aux équipements dont la part consacrée à l’équipement industriel était autour de 45% du produit intérieur brut (PIB) et plus de 50% du total équipement au moment où le pétrole valait sur les marchés mondiaux à moins de 10 dollars le baril, la part de la production industrielle annuelle était autour de 18 à 25% du PIB, la part générée en croissance annuelle était de plus de 10%, une agriculture rénovée où l’Algérie arriverait à produire la totalité de ses besoins en céréales, en légumes et fruits et à même exporter l’excédent, l’épargne nationale était en moyenne de 40% du PIB, le taux de chômage de la force de travail non agricole est passé de 17% en 1974 à 8% en 1978 et le PIB a augmenté de 11% contre actuellement entre 3 à 6% en moyenne. La stabilité du taux de change dinar/dollar avec un cours de change fluctuant entre 4 DA et 5 DA pour 1 dollar.

Ces performances étaient parmi des plus fortes dans le Tiers-Monde, un acquis, porteur de grandes perspectives socioéconomiques pour l’horizon 1980 (H80) pour passer de l’état de pays pétrolier à celui de pays industrialisé où notre pays commençait à prendre place dans le concert des pays développés et s’imposer comme leader dans le Tiers-Monde. Malheureusement, pour une Algérie que nous percevions en devenir, un pays développé dans l’histoire du cinquantenaire de l’indépendance de notre pays.

Tout ce projet politique et économique fut abandonné au milieu des années 1980, par l’introduction du fameux programme antipénurie (PAP), pour concrétiser pleinement le slogan «Pour une vie meilleure». Ce qui a exclu toute perspective de développement industriel à l’amont et à l’aval et la liquidation de près d’un millier d’entreprises et plus alarmant encore la tendance des nouveaux dirigeants et cadres ne reposait pas sur l’échelle des valeurs et du mérite, dont la majorité était dépourvue d’un réel palmarès intellectuel et professionnel, notamment promus sans compétences et ce, quitte à compromettre un projet d’entreprise non achevé, un plan de redressement, de restructuration...

Ainsi, l’Algérie vient de perdre ses meilleurs cadres et artisans du développement national. Alors qu’on ne peut améliorer la qualité du management de notre développement économique que par l’importance et le progrès des hommes, dont on connaît aujourd’hui les répercussions négatives de notre système économique rentier «Les Algériens et le prix du baril de pétrole», ce qui a de facto causé encore un manque à gagner à notre développement économique, d’autant que l’Algérie subit les contrecoups de l’échec de la rente pétro-gazière face à la crise énergétique mondiale où ses recettes ont baissé pour près de 60% où particulièrement le pays est aujourd’hui face aux grands défis contemporains pour affronter les conjonctures futures, qui pointeront sûrement le nouveau projet socio-économique futur du pays qui sont la conséquence de l’explosion sociale concernant la tragédie nationale du 5 Octobre 1988.

En effet, les résultats socio-économiques sont loin de refléter le fort potentiel de notre pays,sachant que la production en termes de capacités installées peut aller jusqu’à 18% du PIB contre 5% actuellement et notre économie est fort dominée par les personnes physiques qui représentent à près de 85%( commerces et services), et pas moins de 40 000 importateurs activent dans le commerce d’importation, le gouvernement prélève chaque année entre 60% et 70% de sa fiscalité pétrolière pour financer son budget général et près de 75% de la population algérienne vit aujourd’hui de la rente, sachant que l’Algérie figure aujourd’hui parmi les pays gros importateurs pour satisfaire ses besoins à près de 75%, grâce aux devises fortes des hydrocarbures qui est l’unique ressource de pays qui représente aujourd’hui 98% des recettes d’exportation, l’économie informelle qui a pris du poids avec près de 45% du PIB et 50% de la masse monétaire et commencent à constituer une menace sérieuse de plus en plus lourde dans le financement de l’économie nationale et la destruction du marché formel, l’importance de la dépense publique dans la croissance, la chute chaque année de près de 10% du pouvoir d’achat, les surcoûts enregistrés sur la réalisation des projets, l’assainissement financier répétitif des EPE, l’évolution du taux démographique et le fort taux d’urbanisation où le monde rural est en voie de disparition.

En revanche notre pays a accompli d’importantes réalisations dans les investissements collectifs et les infrastructures faits par l’Etat dont pas moins de 700 milliards de dollars soit en moyenne 50 milliards de dollars/an, qui représentent près de 70%, de nos recettes annuelles sont consacrés à la réalisation de nos plans de relances entre 2000-2015.
Sur le plan politique : de reconquérir la souveraineté économique sur :

- La récupération des terres des colons, des assurances, des banques et des ressources minières.
- Le 24 février 1971 fut une grande date dans le processus de libération économique, c’est en effet, à cette date que furent nationalisés les hydrocarbures, principale richesse du pays, qui assurent à ce jour le fonctionnement et fait vivre l’Algérien et qui représente 98% des recettes totales du pays.

-Le remplacement du franc français par la création du dinar algérien.
-La mise sur pied de sociétés nationales, dont Sonatrach, créée en 1963.
-La naissance d’une industrie nationale à la faveur de la nationalisation des hydrocarbures.
-Une politique d’équilibre régional par la mise en œuvre de programmes spéciaux de développement qui a permis de mettre fin aux disparités entre les régions.

Faut-il rappeler au passage que des réunions du gouvernement se tenaient au niveau des régions, dont notamment les Aurès, le Titteri, l’Oasis, la Saoura, la Kabylie…
- Le plan Comedor qui devait restructurer et moderniser la capitale, voire la projection d’une nouvelle capitale politique dont le choix était porté sur Boughzoul.

- De bâtir un Etat qui survive aux hommes et aux événements.
- Une charte nationale, après un large débat populaire en vertu de laquelle, la Constitution est promulguée.
- Une réforme sportive a été sans conteste une révolution sportive où le sport algérien rentrera dans les manifestations internationales. C’était le début de la période dorée du sport national.

Ajouter à cela une politique régionale de leadership qui a conquis les espaces géopolitiques dont notamment le monde arabe, l’Afrique et le Tiers-Monde. Ainsi de plusieurs événements très importants dans l’histoire du monde, le discours historique prononcé en avril 1974 par le président Houari Boumediène à l’Assemblée générale extraordinaire de L’ONU où il a lancé les grandes idées sur les matières premières pour un nouvel ordre économique international (NOEI), le sommet de l’OPEP à Alger lorsqu’il appelle à la nécessité pour une juste rémunération des hydrocarbures qui intervient après le choc pétrolier de 1973 et en marge de ce sommet, le président Boumediène a réussi à la conclusion d’un accord entre l’Irak et l’Iran, mettant fin à une guerre séculaire, la conférence des pays Non-Alignés, le dialogue (Nord-Sud), la présidence de l’ONU assurée par l’Algérie lors du sommet de l’organisation de la conférence islamique à Lahore (Pakistan) où il prononce un discours qui est resté dans les annales où il a lancé à ses pairs que «l’on ne va pas au paradis le ventre creux» ajoutant : «L’islam que je connais depuis l’âge de dix ans n’a jamais nourri son homme.» Il donne l’exemple aux pays en voie de développement.

Sur le plan agraire : une politique agraire est mise en œuvre ayant pour principe de base «la terre à celui qui la travaille» pour la mise en valeur des terres et pour une agriculture rénovée et organisée en grandes exploitations agricoles (domaines autogérés) avec des moyens d’équipements et d’irrigation à travers toutes les régions du pays qui revêt aujourd’hui une importance stratégique dans le cadre de l’équilibre régional et du développement local.

- La réalisation du barrage vert qui inspire aujourd’hui une grande expérience dans la lutte contre la désertification.
- Le lancement du barrage fruitier à Beni Slimane fut abandonné
-La réalisation de villages socialistes dotés d’écoles, de polycliniques, de maisons de jeunes, d’annexes administratives, ce qui verrait l’éradication de gourbis hérités de la période coloniale, la mise en valeur agricole et freiner l’exode rural.

Sur le plan de l’éducation : l’enseignement a été extrêmement rapide et performant, elle a permis à notre pays de se doter de milliers d’écoles, de lycées, d›universités, d’instituts technologiques, de centres de recherche scientifique, de centres nucléaires et de grandes écoles en cinéma, théâtre, musique où le taux d’alphabétisation a atteint près de 75% à la fin de 1970, cela grâce à un corps d’enseignant riche, intègre et de rang magistral.

Cette évolution a eu des répercussions positives sur l’enseignement supérieur dans la mesure où l’université algérienne était classée parmi les plus performantes dans les pays du Tiers-Monde et permettait la formation de cadres haut niveau, voire même des cadres de la nation des Etats d’Afrique et de multiplier des effectifs dans toutes les spécialités pour notre développent national où nous avons aujourd’hui à travers le monde les meilleurs chercheurs, les meilleurs médecins, les meilleurs professeurs, les meilleurs économistes, les meilleurs journalistes, les meilleurs financiers, les meilleurs ingénieurs, les meilleurs littéraires .

Sur le plan de la santé publique : une politique de médecine gratuite a permis à notre pays de se doter de milliers de polycliniques, de dispensaires et d’hôpitaux, ce qui a donné accès à toutes les couches sociales où on enregistre entre 5 à 10 lits environ pour 1000 habitants. Elle a permis également d’éradiquer de manière définitive les maladies contagieuses et épidémiques, voire l’espérance de vie passant de 60 à 75 ans. L’on parlait d’âge d’or, de la médecine algérienne où on accueillera des malades de l’Afrique, du Maghreb, voire même des responsables et chefs d’Etat d’Afrique.

Tous les hôpitaux universitaires (CHU) sont devenus un haut lieu de formation, de séminaires nationaux et internationaux, de recherche où l’on accueillera également des étudiants universitaires d’Afrique et du Maghreb.

Tel est le constat que faisaient, les observateurs, analystes, experts et les économistes avertis et entre autres les rapports du FMI, la banque mondiale, le journal français Le Monde, la revue pétrole et gaz arabe, le mensuel français Paris Match… Votre fidèle lecteur, Abaci M’hamed, financier et auteur de deux ouvrages : Comptabilité des sociétés et Gouvernance des entreprises

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08/07/2017
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