LASNAMIA

ROMAISSA

Actualité Mercredi 12 août 2009 - PAGE 3

LA RÉÉDUCATION DE ROMAïSSA (UNE ANNÉE) PRISE EN CHARGE

PAR L'ÉTAT FRANÇAIS

Nous avons gagné !

A l'autre bout du fil, Romaïssa, que l'on appelle désormais «Romy» à Paris,

me parle. «Merci», articule-telle sans difficultés. Elle vient d'obtenir une prise en charge d'une année sousforme d'aide médicale de l'Etat.

Samia est cet ange algérien volant au-dessus de la Seine pour venir au secours de tous les Algériens en détresse, et notamment ceux frappés par les maladies graves, avec un penchant pour les bambins qui, contre vents et marées, se battent chez nous pour survivre ! Dans notre pays, dominé par des gens qui oublient qu'ils ont des médecins et des structures sanitaires de qualité ici et qui s'en vont «là-bas» pour se soigner une dent aux frais de la princesse, dans ce pays où le brave Boumediene a choisi de mourir dans un pavillon de l'hôpital Mustapha-Pacha, alors que tous ses successeurs sont partis à l'étranger pour se soigner ; dans ce pays qui n'en finit pas de crouler sous le poids de la misère humaine, des gosses frappés par des maladies rares, voire très rares, meurent en silence ! «L'hôpital a décidé de la sortir» Samia a lu l'appel de la mère de Romaïssa, une petite Chélifienne courageuse comme il y en tant dans ces contrées où l'on apprend à vivoter dès son jeune ; Samia a réagi avec sa passion coutumière, elle et d'autres concitoyens de Paris, habitués à venir en aide aux jeunes malades algériens. Dès qu'elle a pris connaissance du cas de Romaïssa qui venait d'obtenir sa prise en charge pour l'opération délicate  de «déconnexion d'une moitié du cerveau», — seule chirurgie connue pour alléger les souffrances du patient

et arrêter une lente et inexorable dégénérescence de tous les membres avec perte de la parole —, elle se mobilisa nuit et jour. En effet, répondant à l'appel de Nadia, la maman de Romaïssa, le ministre du Travail et le directeur général de la Cnas ont donné des instructions fermes pour que la prise en charge de la patiente soit effectuée dans les meilleurs délais et les meilleures conditions.Seulement, pour la rééducation

postopératoire que l'on ne peut effectuer chez nous (cette maladie est très rare : on compte seulement 35 cas depuis 1987), les choses ont évolué autrement. Il n'y avait personne pour écouter les pleurs de Nadia et de sa petite fille : nos administrations, déjà inhumaines, sombrent totalement dans le coma durant l'été !

Quant à l'hôpital parisien où la petite a été opérée, que l'on nous permette de douter de l'humanité de ceux, parmi ses dirigeants, qui sont restés en poste. En l'absence des professeurs ayant opéré la petite et dont on dit qu'ils sont d'une générosité exemplaire, certains bureaucrates n'ont pas trouvé mieux que de chasser Romaïssa, sans aucune autre forme de procès ! Samia témoigne : «L'hôpital a décidé de la sortir, nous l'avons fait vers 18h 30 mais à peine arrivée à la maison que les vomissements ont commencé ! J'ai appelé le Samu : elle a été évacuée vers l'hôpital Rothschild.»

Romaïssa est pourtant algérienne à 100 %

Il faut dire que Samia est une battante comme on en connaît peu. Tous les jours, elle sillonne Paris et sa banlieue, sensibilisant les mairies, les associations, les partis, etc. Alors que la maman de Romaïssa rentre à Alger pour frapper – sans résultat ! — à toutes les portes, Samia ne se décourage pas. On ne va pas laisser tomber la petite Chélifienne en si bon chemin ! D'autres Algériens et un Français – le brave Georges Londiche, qu'il m'excuse de froisser sa modestie légendaire – inondent la France et le monde de messages de sensibilisation. Sans résultat ! Et puis, découragée, peinée de voir une si belle oeuvre de solidarité mal

finir, Samia s'isole chez elle et là, elle se dit : «Je vais tenter le tout pour le tout !» Elle écrit alors une lettre émouvante à la sécurité sociale française qu'elle fait signer par Nadia. Il y a deux jours, alors que je contemplais le ciel richement étoile de mes hautes plaines madauriennes, me demandant pourquoi, là haut, certaines prières étaient prises en considération et pas d'autres, une sonnerie de portable me réveille de mes rêveries nocturnes. J'étais en train de penser à la petite Romaïssa, surgissant de l'anesthésie opératoire, trouvant le courage de parler pour nous demander : «Priez pour moi !» Au bout du fil, Samia avait les larmes dans la voix. Mais des larmes de joie. De bonheur. «Maâmar ! Romaïssa a obtenu une prise en charge d'une année ! Une année pour se rétablir complètement ! Nous avons réussi !» Je ne sais si c'était de la poussière d'étoile me tombant dans les yeux où sic'était le faute à ce vent qui faisait lever

les restes d'une moisson généreuse, mais j'ai senti une larme couler sur mes joues. Je pensais à Nadia, à mes amis chélifiens, avec à leur tête Boudia et Mejdoub, poètes qui tissent des arc-enciel d'amour et de solidarité dans la hideur de la cité régurgitée par la grande El- Asnam, sorte de bouillon de culture de n'importe quoi, fauchant les arbres et bâtissant la grisaille à grands coups de milliards. Samia parlait. J'écoutais le vent siffler au ras des bouts de pailles épargnées par la moissonneuse. J'écoutais la voix profonde de mon pays fredonner un vieil air chaoui chahuté par le tir d'un baroud. Un mariage fête les retrouvailles avec la vie dans ces contrées où la musique était interdite. Comme à Chlef. Samia parlait : «Romy, c'est ainsi que l'appellent les médecins parisiens, bénéficie désormais d'une aide médicale

d'Etat pour une année qui sera bien sûr renouvelable après. Maintenant, on va se battre pour l'attestation de séjour, ce n'est pas facile avec la préfecture mais nous allons continuer à nous battre !» Nous avons gagné ! Totalement gagné ! Merci à l'Etat algérien d'avoir pris en charge l'opération chirurgicale et merci à l'Etat français d'en avoir fait autant pour la rééducation. Romaïssa est pourtant algérienne à 100% ! «Yes ! We can…» Mais l'essentiel est que nous avons gagné, contre vents et marées, tous ensemble. Vous verrez, si nous sommes encore de ce monde, on ira faire une grande fête à Chlef et j'invite d'ores et déjà Romy, ses parents (son père est un grand malade), Boudia, Mejdoub, Samia, Khedidja, notre correspondante à Paris, qui a réveillé les consciences, Georges et nos amis de là-bas à venir ici, sous le ciel étoilé de mes hautes plaines, pour fêter la victoire des faibles et des opprimés contre lagrande machine de l'indifférence et de la marginalisation ! Je termine par ces mots de Romaïssa – que j'ai pu avoir hier au

téléphone. Samia l'a invitée ainsi que sa maman et d'autres amis à un grand couscous pour fêter – déjà — cette victoire ! La petite parlait ! Elle m'a dit de sa voix suave : «Merci !» A travers moi, elle s'adressait à vous tous, amis lecteurs. Je sais que vous n'avez jamais douté de l'issue de cette extraordinaire aventure humaine dès le moment où vous avez lu mon premier appel intitulé : «Yes ! We can…»Maâmar Farah

Photos : DR



18/08/2009
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