LASNAMIA

Arroudj Bouabdellah.

 

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Youcef L'asnami à CAFE EL ASNAM

Il s’appelait donc Bou Abdellah ARROUDJ ! Il était propriétaire de la plupart des terrains de l’ex cité Patrimoine d’El Asnam devenue cité Arroudj ! Nous habitions au numéro 52. El hadj Arroudj nous a acheté notre maison pour la détruire complètement et construire à la place une belle villa pour son fils Mohamed, médecin de son état. Un mauvais souvenir… 
Il possédait également un bain qui portait aussi son nom : Hammam Arroudj que des générations entières ont fréquenté. Ce bain était juste en face de chez nous. Et me souviens encore du jour où 3mati Bakhta, la sentinelle du bain, m’a interdit l’entrée au bain avec ma mère Allah Yerhamha ! Pour cause que je commençais à en savoir trop et en disant à ma mère : « Rah ekbir ! Lazam irouhe m3a bouyou » ! C’était la fin d’une belle époque où on s’amusait avec les petits copains à tirer, dans le bain, des boulettes d’épluchures d’orange dont on armait nos stylos à billes, sur les vieilles femmes ou les femmes riches, nos cibles de prédilection ! 
El hadj Bou Abdellah était un homme austère, discret mais d’une grande générosité. 
Je garde de lui quelques souvenirs. 
Au moment de ma réussite au Bac, il est venu chez moi féliciter ma mère pour ma réussite. Il m’a toujours apprécié et espérait qu’un jour ses trois fils, amis à moi, suivaient mon exemple. Il s’agissait de Kader, Nouredine et le jeune Mustapha mort dans un terrible accident de la route sur la nationale reliant El-Asnam à Alger.

A 18 ans, amoureux d’une voisine dont El hadj Bou Abdellah était l’oncle, j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai accosté son père, El hadj B….. un gardien de prison très sévère qui avait des habitudes immuables. L’été il partait tous les jours avec trois amis à lui chez le glacier Medahi pour siroter un creponné. Fier de mon Bac en poche et des félicitations de El hadj Bou Abdellah, j’ai accosté son père et lui ai dis que j’ai quelque chose d’important à lui dire mais en privé. Il s’est éloigné de ses amis, puis me regarda avec un air de gardien de prison…
- Qu y a t-il ?
- Je suis Youcef. J’habite juste là (lui indiquant notre maison. Mais en fait il me connaissait !)
- Et alors ?

- Ben alors ! Alors ….alors..

Je ne trouvais pas mes mots.
- Ben alors je viens d’avoir mon Bac
- Mabrouk alik. Je l’ai su par El hadj Bou Abdellah. Et alors ?
- Ben alors, je vais continuer mes études à Alger Inchallah !
- Rabi Issahale Alik. 
- Oui mais, …
- Mais quoi ?
- Ma mère voudrait venir demander votre fille officiellement en mariage.
- Pour qui ? pour ton frère Cherif ?
- Heu heu Heu…. Non pour moi !
- Tu es trop jeune. Et ma fille aussi. Va continuer tes études et Koulech bel Mektoub !

Et il planta net !

J’ai considéré cette réponse comme étant un refus poli. Peut être trop pauvre pour la famille ?

Le lendemain je vais voir El hadj Bou Abdellah qui tenait la caisse du Hammam. Je voulais exploiter la sympathie qu’il avait pour moi au maximum. La conversation en arabe
- Bonsoir 3ami El hadj !
- Bonsoir !
- J’ai vu hier El Hadj B…. 
- Ghir El khir ?
- Je lui ai dit que ma mère voulait demander en mariage sa fille G…. mais il m’a dit que j’étais trop jeune…. 
- Mais il a raison. Continue d’abord tes études. Ils ne trouveront pas mieux que toi. Et si elle ne t’est pas destinée, tu trouveras mieux qu’elle !
- Non je ne veux pas me marier de suite. Je n’ai pas les moyens et je sais que les études sont prioritaires. Mais je veux juste qu’on me la réserve ! Hada makane ! 
- …… (un long silence)
- Alors si vous pouviez intervenir svp. 
- Non ! sur ce coup je ne pourrai malheureusement pas. Désolé !

Et makatbatch !

Je me souviens, au moment de la Zakat, des longues files d’attente devant l’immense maison des Arroudj. Chaque nécessiteux partait avec une belle somme d’argent.

Nous avons toujours connu cet homme comme étant le Pacha du quartier Cité Arroudj. Il était toujours à l’écoute des jeunes de cette époque. Il était connu pour sa bonté, ses richesses, sa grande famille, et sa piété. Je n’avais pas souvenance d’un quelconque engagement politique jusqu’au jour où on a vu qu’il était candidat aux élections municipales d’El-Asnam dans les années 70- 80 ! Fi Wakt El parti Unique ! Ça me faisait drôle de voir sa photo sur l‘affiche des candidats et me demandait ce qu’il pouvait faire pour la ville s’il était élu.

Chaque matin, assis devant les douches mitoyennes à son Hammam, il lisait El Moudjahid ! Un jour il m’avait accosté en me commentant un événement relatif à l’Union européenne en me disant :
- Regarde ya Wlidi ! Kouffar et ils ont supprimé les frontières entre eux ! Avec une simple carte d’identité, tu peux aller d’un pays à l’autre.

Déjà à cette époque sa réflexion m’avait marquée. Et me demandais comment on a pu en arriver à ce degré d’union et de suppression des frontières !

A chaud en apprenant sa disparition, voilà les quelques souvenirs qui remontent à la surface… 
Allah yerhmou !

 


23/07/2018
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