LASNAMIA

El Asnam ! Où es-tu ?

 

 

                                                         El Asnam ! Où es-tu ? 
             
El Asnam ! Que ton nom sonne bien et aiguise nos tympans pour mieux t'écouter et vivre en toi comme le bébé dans le creux du ventre de sa mère biologique. Pourquoi ce nom ? Mais parce qu'il fait partie de ton histoire qu'on veut à jamais effacer et détruire. Oui, on veut effacer toutes tes composantes physiques et sociales et te dénuder de ta particularité qui font que tu sois l'une des plus belles villes d'Algérie, il y a seulement quelques décennies. Pourquoi veut-on t'annihiler et t'effacer de la mémoire historique de notre Algérie ? Pourquoi veut-on à tout prix effacer tes repères qui ont fait de toi notre patrie dont nous  sommes très fiers ?
En l'espace d'une trentaine d'années, tu es devenue sans forme, sans vie, une ville fantôme. Oui, une ville fantôme, car dès cinq ou six heures de l'après-midi, il n'y a plus de vie dans tes artères, c'est le « no man's land », la terre interdite. Tes enfants ont perdu tous leurs repères et tu ne peux que pleurer sur ton sort. Tu es agressée dans ta chair et dans tes habitudes. Tu as été à un moment donné, le fleuron des villes modernes d'Algérie mais qu'en est-il actuellement de ton design et de ton architecture qui a laissé place à la débandade. Où sont tes enfants ? Où sont tes repères ? Que veulent-ils faire de toi ? Depuis plus d'une trentaine d'années, tes enfants souffrent le calvaire et sont oubliés. Les autorités ne font rien pour te soulager et te redonner ta place dans l'échiquier urbain de notre chère Algérie. Ils sont là, subjugués par la fuite en avant, prétextant que tu es rebelle et que tu l'as été depuis tous les temps. Te reproche-t-on d'être naturelle ? D'être rebelle ? D'avoir chassé tous les envahisseurs depuis la nuit des temps ? Veulent-ils te soumettre ? Mais tu es toujours là, fière et hautaine avec le peu de tes enfants qui vivent dans tes entrailles et te chérissent comme la mère nourricière Gé. Tes complaintes vont au-delà de tes frontières mais ne ramènent aucun écho qui puisse te soulager de tes maux.
                El Asnam ! Où sont tes enfants ? Où sont les Chahids qui ont fait de toi la bête noire du colonialisme ? On ne les voit nulle part ! Ils sont oubliés.
             El Asnam ! Tu as été dénaturée ! Je ne reconnais plus les repères de mon enfance, tels les librairies, les cafés, les artères, rues, avenues et boulevards et espaces verts qui faisaient ta fierté. Tu es devenue un grand souk comme me le disait un jour, un ami, tu es devenue Bouzeghaïa en 1901. Un souk qui se remplit et désemplit dès le zénith arrivé. Pour tes enfants retraités, aucun lieu qui puisse créer un lien fraternel entre eux, ils ont été disséminés dans tes banlieues, des sites-dortoirs, livrés à eux-mêmes, faisant l'objet de brimades, de coupures d'eau, de coupures d'électricité, d'exactions, d'agressions verbales et physiques même.

             Tes rues, tes trottoirs, tes avenues et tes espaces verts sont squattés par le marché informel, créé par qui ? C'est la question qu'on devrait se poser si l'on veut trouver des solutions à ce problème épineux qui mine ta configuration. Rendez-nous nos trottoirs, nos avenues, nos rues, nos espaces verts, nos jardins !
              Rendez nous notre quiétude d'antan ! Nous sommes stressés, nous ne pouvons plus vivre dans ses méandres qui font de nous des laissés-pour-compte.
En parcourant tes avenues et boulevards, le visiteur ne peut que s'étonner de trouver seulement des cafés, de fast-foods, de crêperies, des crémeries, des akl khafif c'est-à-dire, casse-croûte à toute heure, et j'en passe. Pas une seule libraire qui dénote de ton intelligence, de la capacité culturelle de tes enfants, de l'érudition de leurs ancêtres. Qu'en est-il actuellement de ton devenir ? Ils continuent à te dépecer et te minimiser pour mieux t'enrober et te dénigrer jusqu'à t'annihiler complètement et t'étouffer pour mieux te contrôler. Tu as toujours été rebelle et tu le resteras ; tu ne baisseras jamais les bras quoiqu'on te fasse ; tu es fière et tu pérenniseras dans le temps et l'espace. Tu es la terre des Fatihines, tu es le terroir des Saints et leurs barakates, tu es le porte-flambeau de la révolution, tu as su donner les leçons qu'il fallait au colonialisme et à l'Otan. Tu es fière et tu le resteras pour l'éternité. Ils ne pourront te faire plier car tu es « Majesté » et tu le resteras à jamais.

                                                                    
Mohamed Boudia - Ecrivain


Source/http://fenetre-sur-la-culture-a-chlef.blog4ever.com/blog/article-193096.html

 



19/08/2012
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